J'ai une source fiable à 100% pour la vitesse ascentionnelle. C'est michele ferrari, qui dans son site http://www.53x12.com/do/show?page=indepth.view&id=104 donne pas mal de "VAM" une unité de mesure mise au point par ses soins en regardant, comme nous, la télé. Il connaît par coeur les ascensions car il les utilise pour mesurer les progrès de ses coureurs et de ceux des médecins dopeurs concurrents afin de rester en pointe dans la course aux armements.
Sa VAM c'est le moyen de connaître le niveau de performance des coureurs comme portoleau qui publie régulièrement des chiffres hallucinants sur www.cyclismag.com
En ce moment guillaume prébois a terminé le tour du monde à vélo en 80 jours. Il pédale à la limite humaine pour son âge et s'est plaint de plusieurs choses lors de son périple.
A la veille de son arrivée à Paris, Guillaume Prébois tirait les leçons du pari fou qu'il s'était lancé.
Comment vous sentez-vous, après avoir avalé 13 500 kilomètres de bitume en 80 jours ?
Je me sens étonnamment bien. Même dans mes prévisions les plus optimistes, je n'aurais pas pensé que mon corps réponde aussi bien après cet extrême périple. C'est plus une fatigue psychologique qui me tombe dessus : j'ai commencé à entrevoir depuis une quinzaine de jours une lassitude de monter sur mon vélo.
N'en aviez-vous pas marre de rouler 200 kilomètres par jour ?
Quand tu sais le matin que tu vas faire entre six heures et sept heures de route, tu te demandes toujours à quoi tu vas bien pouvoir penser et ce que tu vas faire tout seul sur ton vélo, avec comme seul point de repère ton guidon. Mais finalement, les journées passent toutes rapidement. J'ai eu la chance de découvrir des paysages, et c'est cela qui m'a sauvé sur ce tour du monde.
Cette lassitude vous a-t-elle conduit à vous dire "J'arrête" ?
Je n'ai jamais pensé à abandonner une seule seconde. Je faisais même des prévisions catastrophistes : j'étudiais mentalement la façon dont je pourrais conduire mon vélo si en cas de chute je me cassais un poignet ou un bras. Les Américains m'encourageaient en me criant : "Finish the job !", "Termine le travail". Beaucoup de gens m'ont écrit pour me dire que ce n'était pas grave si je ne terminais pas ce tour en 80 jours : "N'oublie pas que tu te bats contre une fiction", m'a-t-on répété. Mais le voyage de Phileas était devenu réel à mes yeux. Un peu comme un acteur qui serait un peu trop entré dans un personnage.
Qui avez-vous finalement le plus poursuivi à travers la planète : Phileas ou vous-même ?
Les deux ! Il a fallu que je me batte contre Phileas Fogg pour que je repousse mes propres limites. C'était le seul prétexte possible pour aller chercher un défi aussi extrême. Pour ce genre de challenge, c'est impossible de savoir à l'avance si ton corps va tenir. Je suis parti pour me battre moi-même, mais la seule raison valable était d'égaler le record de Phileas. Il n'y a qu'un rêve qui peut te conduire à ce genre de chose, il n'y a pas assez de fantaisie dans la réalité pour pousser quelqu'un dans ses retranchements.
Vous êtes-vous senti en danger ?
Jamais ! C'est assez encourageant de pouvoir dire que l'on peut faire un tour du monde sans avoir la sensation de peur. En revanche, sur la route, en tant que cycliste, j'étais vraiment une cible. Il y a une sorte de rivalité incompréhensible entre l'automobiliste et le cycliste. Peut-être parce qu'il voudrait être à notre place, il est jaloux de notre liberté et ça le conduit à être agressif... Des camionneurs venaient exprès me frôler. Il y a des étapes où je me suis dit : "Celle-là, je l'ai terminée sain et sauf." Avant le départ, il y a toujours une appréhension, tu espères que tu vas arriver intact.
Je ne saurais que trop lui conseiller de tenter la pratique du vélo couché. Non seulement l'automobiliste devient plus amène envers le cycliste qui est devenu dans son esprit premièrement un ovni sur la route deuxièmement un handicapé en vadrouille et troisièmement un objet de curiosité attirant une sympathie naturelle. Bien sûr rien ne l'empêchera de passer sous un camion au premier virage. Mais pas plus ni moins qu'à vélo.
Quel est le pays le plus hostile au vélo ?
Les Etats-Unis, sans aucun doute.
Pourtant, c'est la nation de Lance Armstrong, le septuple vainqueur de la Grande Boucle...
C'est bien pour cela qu'il vient faire du vélo en France. 99 % des Américains n'ont pas fait de vélo ou très peu dans leur jeunesse. J'ai croisé seulement deux coureurs dans ma traversée des Etats-Unis, c'est hallucinant. Ce n'est pas l'Australie et son amour pour le cyclisme...
Comment est perçue la France dans les contrées lointaines ?
Il y a toujours un soupir d'émerveillement dans un premier temps. J'ai senti une image mélancolique du pays. On est tombés plusieurs fois sur des gens qui nous ont crié "Vive la France, vive la République !". Pour les étrangers, la France se résume à Paris. Ce qui est drôle aussi, c'est que tout le monde est au courant que Nicolas Sarkozy est marié avec Carla Bruni, même dans les tréfonds du globe. Il y a quelques jours, le groom de l'Empire State Building, m'a dit en me voyant : "Oh, oh, oh, Carla Bruni !", puis il a ajouté : "Système de santé gratuit."
Vous avez même écrit que les jeunes que vous avez rencontrés ne souhaitaient pas venir en France pour y vivre...
La France déclenche une fascination romantique, mais elle n'a pas de "business appeal". Les jeunes Indiens, par exemple, veulent aller faire carrière en Australie, aux Etats-Unis ou en Asie du Sud-Est, mais pas en Europe.
Quel a été votre pire ennemi pendant ce voyage ?
Le vent. Quand il est de face, tu ne peux rien faire. Le vent, c'est ton maître : quand il est contre toi, il joue avec toi, tu es sa victime. Il ne faut surtout pas penser à descendre du vélo, sinon tu descends : il faut vraiment s'accrocher.
Pauvre guillaume, il lui faut vraiment changer de vélo pour un vélo couché. Au lieu d'appuyer toute la surface du parachute composé par l'homme et le vélo droit, pendant si longtemps, il aurait ressenti le vent contraire comme une résistance juste un peu gênante... et le vent favorable comme une aide précieuse! Je crois qu'il aurait aussi beaucoup apprécié le vélo couché sur le plat.
Et à quoi pensiez-vous ?
Aux personnes qui ont mis des billes dans ce projet : je ne pouvais pas les décevoir. Et puis, on se rapproche de la nature, on voit les étoiles, on revoit de la couleur. Les villes nous aveuglent, elles ne sont faites que de noir et blanc. On se retrouve avec soi aussi. Ces moments-là n'existent pratiquement plus dans la vie cadencée imposée par un système.
Avez-vous aussi redécouvert le goût des aliments ?
J'ai fait un tour anarchique au point de vue diététique. J'ai fait un tour du monde au hamburger-frites-ketchup avec quelques plats de pâtes entre. Mais c'était calculé ! Quand on entre dans une phase énorme de stress pour l'organisme, si le soir on m'avait servi des brocolis, je n'aurais pas fait plaisir à mon corps.
Il faut compenser la douleur de la journée au moment où tu es à table. Je n'ai jamais eu un jour sans de mauvaises jambes. Ton métabolisme brûle tellement de choses que la nature des aliments n'a finalement pas d'importance.
Qu'avez-vous appris sur les routes du monde ?
J'ai pris des leçons d'hospitalité par des gens qui ont fait pour moi des choses que je n'aurais pas faites pour des étrangers et que maintenant j'aurai envie de faire. Tu te rends compte aussi que la société dans laquelle tu as grandi n'est peut-être pas la bonne. Chaque jour a été une gifle, je ne suis pas le même Guillaume que celui qui est parti il y a 80 jours.
Après ce long voyage, comment avez-vous trouvé la Terre ?
Elle est belle, malgré tous les discours alarmistes. Je l'ai trouvée vivante, ça m'a rassuré quelque part : nous ne sommes pas encore au bout du rouleau. Mais je me pose des questions. Pour moi, la beauté de la planète n'a rien à voir avec un processus aveugle et cruel. Ce que j'ai vu, ce n'est pas explicable par le temps qui passe. J'ai regardé les ailes parfaitement géométriques d'un papillon, il faudrait un ordinateur pour les faire aussi précises. Je suis parti croyant, je le suis revenu encore davantage.
Je suis toujours effrayé par de tels constats de bonne santé sur la planète diffusés dans les media par des "gens qui y ont été voir pour nous". Force est de constater qu'avec le point de vue de sirius, la planète est toujours aussi bleue. Avec le point de vue du cycliste aussi. Il faut traverser les pays par les endroits où ils sont pas propres, pour comprendre, un peu, l'étendue affreuse des dégâts.
Vous prouvez que l'on peut faire du vélo sans se faire masser...
Je suis convaincu que les fibres musculaires ne sont pas faites pour être malaxées. Je pense que beaucoup d'athlètes de haut niveau ont des problèmes musculaires car ils sont excessivement massés. Je n'ai jamais eu un seul souci musculaire depuis que je fais du vélo, pas une seule tendinite. Les masseurs du Tour de France vont me haïr maintenant.
Et sans se doper aussi...
Je pense que le corps est capable de s'adapter à tout : il est capable de te fournir exactement la prestation que tu attends de lui. On a tendance dans nos sociétés à sous-estimer nos capacités.
Avez-vous réussi à trouver Phileas Fogg ?
Je l'ai aperçu, j'ai vu son image parfois derrière les vitres des trains qui me doublaient parce que c'était les mêmes trains, qu'il prenait, comme l'Union Pacific aux Etats-Unis. C'est encore les mêmes chemins de fer, les mêmes wagons, j'ai cru le croiser. Je l'ai vu aussi en moi parfois, en essayant de maintenir le calme qu'il affiche dans le roman, dans les situations où moi j'étais en difficulté. Je savais que le flegme de Fogg était la clé pour m'en sortir : ne jamais paniquer quelle que soit la situation, c'est ce que j'ai essayé de faire.
Propos recueillis par Mustapha Kessous