Un événement cette saison, le passage de la barre des 50 puis des 60 dollars. On en profite pour re-analyser comment ça marche.
On se souvient que la dernière fois "on" (tout le monde en général) avait présumé de la hausse brutale du pétrole qu'elle signifiait qu'il se raréfiait, qu'on était bientôt à court. Ou une analyse à court terme du genre.
Il n'en était rien.
Il fallait voir dans la flambée du secteur entier des matières premières et du pétrole en particulier, la matière première reine, un symptôme du tsunami des subprimes qui a renversé l'échiquier de wall street et qu'"ils" avaient vu venir, reportant leurs liquidités sur un marché lucratif pour protéger leurs arrières. Ce "ils" représentait une catégorie bien surprenante: des fonds de pension, des universités privées américaines, des fondations charitables, des musées, des hôpitaux, des municipalités!
Des émeutes de la faim, des grêves de chauffeurs routiers et de marins pêcheurs furent provoquées par des spéculateurs "si honteux de la situation" hum, hum, à la fin juillet qu'ils se retirèrent en masse et aussi brutalement du jeu qu'ils s'y étaient réfugiés.
Et en ce moment on ne peut nous redonner la théorie de l'assêchement des puits de pétrole pour justifier l'appréciation du cours de light sweet crude depuis février 2009. Chat échaudé craint l'eau froide.
Je cite un article du monde aujourd'hui:
"On attribue la grosse partie de la hausse à la reprise des marchés d'action, aux accès de faiblesse du dollar et aux prévisions économiques moins sombres..."
"Une telle hausse ne peut s'expliquer par la baisse des stocks américains annoncée, mercredi, par le département de l'énergie (DoE) : ils représentent deux mois de consommation des pays industrialisés (hors pays émergents) et des sociétés de trading ont dû louer des tankers pour stocker l'or noir qui déborde des réserves à terre. Ni par des tensions dans les raffineries : leur taux d'utilisation est historiquement bas (82 %) aux Etats-Unis. Pas davantage par la menace du Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger de bloquer les routes d'exportation du brut nigérian : la perte des 1,8 million de barils serait compensée par les excédents de l'Arabie saoudite."
"Les analystes de Petroleum Economist jugent que "les signes haussiers sont en contradiction avec les fondamentaux du marché". Directeur adjoint de la recherche économique de la banque Natixis, Evariste Lefeuvre se dit "circonspect" sur la hausse des cours, où il lit plus une anticipation de la reprise économique qu'un reflet de la réalité physique du marché pétrolier."
"Une forte hausse du brut risque de relancer l'inflation, tombée en avril à son niveau plus bas depuis 1957 (+ 0,1 % sur un an) en France, et d'amputer le pouvoir d'achat au moment où la baisse des prix est le seul facteur de soutien à la consommation, souligne M. Lefeuvre."
Loin, détaché de toute réalité, ignorant ce que c'est que cinquante ans de réserves pétrolières, ne réagissant qu'aux mouvements du prix du pétrole sur cinq minutes et fondant son jugement sur des "indicateurs graphiques" autant dire... jouant à faire un hi-score sur une playstation, le courtier à wall street (nick leeson, jérome kerviel, charlie sheen!) reprend sa marche infernale: il place des ordres de vente automatiques pour profiter de la tendance à la mode que ses clients lui ont indirectement et massivement demandé de faire enfler. Plus le pétrole monte, plus les rentes sont protégées, en faisant fi de toute considération morale. Si le cours descend d'un coup, les ordres de vente seront passés automatiquement aussi... Si tout le monde suit le mouvement, la bulle qui a commencé à se former au début du printemps 2009, explosera.
On atteint le niveau du cours du pétrole où il faut investir dans une autre énergie, prions pour que ça agisse sur les consciences en bien.